ROLLING STONES – Their satanic majesties request 50th anniversary edition

Écrit par sur 27 septembre 2017

Ça y est : les gens d’ABKCO, le label de feu Allen Klein qui détient les droits des albums sixties des Rolling Stones, ont décidé de rééditer en grande pompe “Their Satanic Majesties Request” à l’occasion de son cinquantième anniversaire. L’objet est magnifique, avec des versions mono et stéréo du machin en CD et vinyle, et le nouveau mastering du CD est encore meilleur que celui de 2002, parvenant à sonner moins digital tout en restituant un maximum de détails pour l’un des albums des Stones qui en compte le plus. Il est probable que les Stones eux-mêmes, qui ont toujours décrit l’album comme étant “un paquet de conneries”, n’auraient jamais pris cette décision, mais comme ils n’ont pas leur mot à dire, ainsi soit-il… “Satanic Majesties…”
est-il vraiment raté ? Sans aucun doute. Est-il vraiment mauvais ? Oui, et non.
Il est raté pour plusieurs raisons. La première est que l’incursion des Stones en territoire psychédélique manque de réelles motivations : certes, Mick Jagger a toujours souhaité être de toutes les modes afin que son pire cauchemar — devenir ringard — ne se réalise pas, mais il est évident que Charlie Watts, qui n’aimait déjà pas le rock’n’roll, et Keith Richards, qui était au summum de sa tolérance de l’avant-garde lorsqu’il a embrassé le reggae jamaïcain, n’avaient que foutre de ces conneries enfumées. Sans doute Brian Jones trouvait-il cela amusant, et Bill Wyman, qui travaillait avec The End, avait déjà abordé le genre. Par conséquent, les Stones n’ont jamais pondu de réel chef d’oeuvre psyché, à la manière des Beatles de “Rain”, “Tomorrow Never Knows”, “Strawberry Fields Forever”, “I Am The Walrus” etc., qui abordaient le territoire psychédélique avec l’entrain de pionniers découvrant des terres vierges et montraient un authentique enthousiasme. Les Rolling Stones s’en foutaient un peu et étaient nettement plus paresseux et désorganisés. En ces mois marqués par leurs différentes arrestations pour possession de drogue, le groupe vit dans le chaos. Andrew Oldham, lassé et de moins en moins écouté, quitte le navire. Le groupe n’a pas de producteur et part en roue libre, à la dérive : les membres du groupe sont rarement ensemble dans le studio, et chacun vient accompagné d’une cour de dix à quinze personnes. Les Stones n’ont pas de George Martin, qui n’aurait jamais toléré ce cirque. Et, plus grave, ils n’ont pas vraiment de morceaux non plus. Tout ce qu’ils pensent, c’est que “Between The Buttons” était raté — c’est faux, le disque est charmant et un très précieux témoignage de la phase Swingin’ London,mais il n’a effectivement pas vraiment marché et qu’il s’agit de changer. Alors ils se relâchent et envoient ces gruaux indigestes que sont “Sing This All Together”, “Sing This All Together (See What
Happens)” soit huit minutes infernales, “Gomper” et “On With The Show”. Il va sans dire que ces daubes sont nettement
pires que “Within You Without You”, la plage qui n’a notoirement aucune rayure sur les vinyles d’occasion de “St. Pepper’s”. Ce qui laisse donc six morceaux. C’est mince pour un album sortant en 1967, alors que la concurrence est féroce. Et sur ces six, deux — “In Another Land” de Bill Wyman avec Ronnie Lane et Steve Marriott aux choeurs, et “2000 Man” — sont certes bien sympathiques mais globalement moyens. Reste donc quatre titres mémorables : “Citadel”, d’une brutalité inouïe et plein de détails fous, qui en font l’égal sans problème de chefs-d’oeuvre à venir comme “Stray Cat Blues” ; “The Lantern”, tout en rêverie cotonneuse, comme un petit frère de “Child Of The Moon”, et “2000 Light Years From Home”, merveille de Mellotrons flippants qui aborde l’infini spatial, obsession de ces années-là (Hawkwind, Pink Floyd, Bowie), qui ne s’arrangera pas un an plus tard avec la sortie du “2001” de Kubrick. Enfin, il y a “She’s A Rainbow”. Jumeau génial de “Ruby Tuesday”, avec le piano virevoltant de Nicky Hopkins, ces “ooh la la” exquis comme autant de gâteries et les arrangements féeriques de John Paul Jones. Cette splendeur pop est la dernière que les Stones feront jamais, et elle prend à l’occasion une dimension testamentaire. Car après, ce ne sera plus qu’open tuning, réduction du nombre d’accords et retour aux sources. C’est le paradoxe de “Their Satanic Majesties Request” : grâce à son ratage, les Rolling Stones enchaîneront sur ce chef-d’oeuvre d’épure qu’est “Beggar’s Banquet”, mais ils tourneront également définitivement le dos à une certaine manière pop et mélodique de composer dans laquelle, pourtant, ils pouvaient exceller. Enfin, si l’on dit qu’il faut savoir apprendre de ses propres erreurs, il n’est pas interdit d’affirmer qu’en enchaînant “Majesties…” et “Beggar’s…”, les Stones étaient les maîtres en la matière.

“THEIR SATANIC MAJESTIES REQUEST – 50TH ANNIVERSARY EDITION”
ABKCO/ Universal
NICOLAS UNGEMUTH

Source Rock & Folk Octobre 2017


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