THE ROLLING STONES – Exile on main street (1972)

Écrit par sur 21 octobre 2017

« De quel droit venez vous dans notre pays , Monsieur Jagger, piétiner dédaigneusement le drapeau US chaque soir, avant de laisser la contre culture pour morte et de repartir chez vous avec 1.2 millions de dollars en poche ? ». Ayant semé ruine et insatisfaction, c’est la queue basse que les Rolling Stones étaient rentrés en Grande-Bretagne au lendemain d’Altamont. Et s’ils restaient apparemment sourds aux sermons grandiloquents des éditorialistes de la contre-culture, tout le projet « Exile on main street » s’écoute encore aujourd’hui comme un clin d’œil des bad boys du rock à cette Amérique puritaine consternée par leurs exactions satanistes. Dans un flot de rock hillbilly, de country, et de blues, les Stones tentent alors de sauver leur nom en rappelant à la terre promise  qu’au fond nous sommes tous les mêmes particules ivres de stupre, de délire et de défonce.

Un accouchement difficile

La réalisation d' »Exile on main street » fut tout sauf facile. Se découvrant obligé d’opter pour l’exil fiscal, le clan va s’installer dans le sud de la France. Nous sommes en 1971 et une aura morbide entoure la musique rock qui vient de perdre 4 héros majeurs, Brian, Jimi, Janis &  Jim. Idéale ambiance pour les Stones qui font venir leur camion-studio à Villefranche sur mer.Des cables sont tirés et le groupe commence à enregistrer Exile…dans la cuisine au sous sol de la villa de Keith, Nellcote. Dans ce décor victorien hanté, entouré d’une foule d’amis, de dealers, et de locaux, les Stones jouent leur va-tout. Il leur faut surclasser « Sticky Fingers » et son hit mondial « Brown Sugar ». Il leur faut également trouver un 3eme souffle. Car si Mick Taylor, Charlie et Bill s’implantent en Provence avec un tact tout mentholé, Mick & Keith semblent de plus en plus éloignés. Okay, le chanteur vit avec sa Bianca de courtisane un tapageur grand amour. Mais Keith et Anita (et Bobby Keys, Gram Parsons et le producteur Jimmy Miller aussi) s’embourbent dans une odyssée de la défonce la plus hard. Il nous reste heureusement les historiques clichés du phtographe de Rock & Folk, Dominique Tarlé, venu couvrir l’événement. On y découvre les Stones filiformes, dépenaillés, et hirsutes, fumant et planant à des hauteurs vertigineuses, smala de gitans squattant un château renaissance dans la moiteur d’un été étouffant.

  • Keith & Graham

On l’a dit, il existe peu de projet comme « Exile on main street ». Un disque MONUMENTAL, une jungle marécageuse de chansons, de  riffs mal équarris, d’émotions sournoises. Présentant le double album à la presse, Jimmy Miller s’excusait surtout du son, de ces strates monophoniques empilées à la diable en totale rupture avec l’élégance précieuse de l’époque. « Exile on main street » est un disque qui cogne, un marais mono et maniaque ou surnagent les plus belles formules du Jag: »Je ne bande plus qu’en rêve », prévient il en ouverture sur « Rocks off » avant d’ajouter « Tout ce soleil me gonfle assez prodigieusement ». Plus arrogant que jamais, le chanteur semble avoir mis à profit ses escapades sur la Riviera à la découverte de ce fameux casino « ou personne n’a jamais rien gagné » (et surtout pas Bianca). Passant du rock le plus kérosène (« Rip this joint« ) à une pop dégourdie (« Tumbling dice« ), le groupe s’offre une face d’exploration country folk: « Sweet black angel » est une protest song dédié à la militante Angela Davis, « Sweet Virginia » sonne comme du Birds burritos millésimé , « Loving cup » reste cette étrangeté : un gospel vaudou. La face 3 offre le cri de guerre de Keith « Happy « – énorme hit FM aux US) puis des blues sur lesquels la lame acérée de Mick Taylor fait miracle. Nous sommes dans une Amérique de gargotes, comptoirs infâmes, peuplés d’escrocs,prédicateurs simiesques et autres garagistes aux paupières alourdies par la concupiscence. Des danseuses se battent avec des maquereaux dans les ruelles borgnes. Y aura t’il une rémission pour tous ces pécheurs semble demander Jagger ? Alors que Keith indique sa très personnelle solution, le speedball comme remède absolu « All down the line« , Jagger s’autorise 2 ou 3 formidables escapades: « Shine a light » et « Soul Survivor » constituent le feu d’artifice de clôture, une grandiose finale boogie, ultime pied de nez aux tracas internationaux.

Une oeuvre majeure

L’importance de ce manifeste fut colossal. Surpris, personne n’avait encore rangé son « Sticky Fingers », les fans recevraient le nouveau projet des Exilés comme une retentissante paire de claques. Refusant le système de l’époque, qui était à la Jam session entre grands du même monde, les Stones s’étaient contentés d’inviter quelques solides artisans pour les épauler dans leur sale boulot. La descente aux tréfonds de l’Amérique s’effectua avec l’aide de Dr John, Nicky Hopkins, deux cuivres et un percussionniste. Tout le reste était fait maison, cousu main, coupé sur mesure par Keith qui ( en cas d’absence réitérées de Mick) demandait à Gram Parsons de coucher les voix témoins. Ce qui frappe à la réécoute c’est la dureté du son, qui confère même aux balades les plus lascives un air de méchanceté noire, comme une promenade au Père Lachaise, un bouquet de fleurs vénéneuses à la main. La pression était sur les Stones. Chaque membre du groupe faisait du rejet de l’Amérique une affaire personnelle, « Exile on main Street » atteindra des hauteurs inouïes ! Humant l’enjeu, Jagger en rajoute. Qui ne l’a pas entendu savourer chaque labiale des mots: »you can be my partner in crime » ne l’a jamais entendu chanter.Bien sur, les reprises sont fabuleuses « Shake your hips » (Slim Harpo) et «  Stop breaking down » (Robert Johnson, popularisé par John Lee Sonny Boy Williamson) sont des noirs mausolées, aussi granitiques qu’inattaquables. Certes la discographie des Stones est riche en excellents albums. On a justement vanté le très réglo réglo « Aftermath », rebattu les oreilles avec « Sticky Fingers » et voici 5 ans, la critique américaine semblait plébiscitée « Beggars Banquet ». Pourtant « Exile on main Street » reste le favori des fans français. On y trouve un projet, on y sent une force,un désir, un but.Par la suite, les Stones ne retrouveraient plus jamais la nécessité de se prouver de nouveau en public et les enjeux de survie de l’orchestre ne seraient plus jamais réunis avec autant d’orgueil.
Tant mieux pour eux, tant pis pour nous.

« Je vous signale que, dans un 1er temps, tous nos amis Rock critics ont trouvé ce disque nul à chier. J’ai les noms »

(Keith Richards)

Source Philippe Manoeuvre (La Discotheque idéale – Albin Michel)

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